Le jésuite Pierre Bourdin (1595-1653) enseigna au collège de La Flèche la grammaire et les humanités (1618-1623), puis, après une interruption de dix ans, la rhétorique (1633) et les mathématiques (1634). Entretemps, il avait été professeur de rhétorique à Rennes (1627), Rouen (1628) et Bourges (1629-1632). Deux ans après son retour à La Flèche, il fut nommé professeur de mathématiques au collège de Clermont en remplacement de Jean de Riennes (1591-1661) : il y resta pendant presque trente ans, de 1635 à 1653.
Ce n’est pas un auteur complètement inconnu des dix-septiémistes. Les historiens de la philosophie le connaissent en tant qu’auteur des Septièmes objections : quoique Descartes ne les ait pas beaucoup estimées, les arguments contre le doute et le Cogito qu’elles contiennent furent repris par des adversaires ultérieurs de la métaphysique cartésienne comme Jean Duhamel et Pierre-Daniel Huet. De leur côté, les historiens des mathématiques ont étudié Bourdin en tant que professeur : ils ont non seulement reconstitué sa carrière, mais montré qu’il constituait un bon exemple de l’engagement des Jésuites dans l’enseignement des mathématiques mixtes. Finalement, le cours que Bourdin a consacré à l’architecture militaire et les deux ouvrages posthumes qui en furent tirés ont été l’objet d’études plus particulières, à la frontière entre histoire de l’architecture et histoire des sciences.
Dans le présent article, nous abordons Bourdin à partir d’un matériau qui n’a encore jamais été étudié systématiquement, à savoir les thèses de mathématiques qu’il fit soutenir au collège de Clermont. Conformément à l’objectif de ce volume, nous étudions ces thèses sous l’angle particulier du cartésianisme et de l’anti-cartésianisme, en laissant de côté la métaphysique, celle-ci n’étant d’ailleurs jamais mentionnée dans ces thèses. Nous commençons par analyser les circonstances dans lesquelles la querelle entre Descartes et Bourdin naquit. Nous donnons en deuxième lieu un aperçu de l’optique de Bourdin dans les années qui précèdent la querelle. Viennent, en troisième lieu, la Vélitation de Bourdin et la thèse qu’il fit soutenir en 1640 puis, en quatrième lieu, les réactions de Descartes à ces écrits. Nous montrons ensuite la disparition de la querelle optique dans les thèses de mathématiques ultérieurement soutenues au collège de Clermont. Il nous reste finalement à expliquer cette disparition.