La nouveauté a aujourd’hui une valeur marchande : un nouveau produit se vend bien, l’innovation est un sésame publicitaire, de nouveaux marchés s’ouvrent pour être conquis. Les valeurs scientifiques semblent ici coïncider avec les valeurs du marché, quelle que soit la raison de cette coïncidence. Qui se tient tant soit peu au courant de l’actualité scientifique entend en effet parler jour après jour de la démonstration de nouveaux théorèmes, de la découverte de nouveaux virus ou de nouvelles galaxies, de l’émergence de nouvelles technologies ou de l’apparition de nouveaux champs de recherches. C’est à tort qu’on réduirait cette valorisation de la nouveauté au seul souci de promouvoir les sciences auprès de ceux qui en assurent le financement : la nouveauté de l’hypothèse, du résultat ou de la méthode constitue des critères décisifs dans les rapports d’évaluation des travaux scientifiques. Enfin, la nouveauté est aussi l’objet des historiens et des philosophes des sciences : les uns décrivent l’émergence historique effective des nouveautés, les autres s’interrogent sur leurs conditions de possibilité ou sur leurs conséquences pour une théorie de la croyance et de la connaissance ; les uns comme les autres remarquent que la production de nouveautés, et qui plus est de nouveautés cumulables, caractérise les sciences par rapport à d’autres productions humaines — c’est ce qu’on appelle usuellement le « progrès scientifique ». Néanmoins, la valorisation sans nuance de la nouveauté est un phénomène historique récent, et l’historien sera souvent bien en peine d’assigner précisément les nouveautés dont il raconte la genèse. C’est pourquoi il faut s’arrêter sur ce phénomène encore mal circonscrit, mais pourtant sensible à tous : le nouveau dans les sciences.
Table des matières
Sarah Carvallo et Sophie Roux, "Introduction"
Sonja Brentjes, "La nouveauté comme valeur culturelle : lieux, formes et normes des revendication de nouveauté chez les érudits des sociétés islamiques"
Sarah Carvallo, "Histoire du tonus : ruptures ou continuité ?"
Hugues Chabot, "Les origines d’un nouvel élément chimique : l’affaire du chlore"
Pierre Crépel, "Qu’y a-t-il de nouveau dans l’œuvre scientifique de D’Alembert ?"
Jérôme Fatet, "Comment naît un instrument ? Etude de l’invention de l’actinomètre"
Michel Dufour, "La psychologie : une nouvelle science entre sens commun, physiologie et métaphysique ?"
Philippe Jaussaud, "Découvertes multiples en chimie pharmaceutique et analytique"
Mai Lequan, "Les nouveautés de Stahl et Lavoisier vues par Kant"
Loïc Petitgirard, "Poincaré, précurseur du chaos ?"
Sophie Roux, "Découvrir le principe d’inertie"
Jérôme Viard, "Les contributions de Clausius et Boltzmann à l’élaboration de la signification physique de l’entropie à partir du travail de Carnot"